Voici bientôt deux ans que l’action de la coopérative est centrée sur l’ouverture de Strasbourg Team Academy. Pour moi, c’est une vraie course de fond où l’action se fait jour après jour, et où le résultat débouchera sur l’ouverture en septembre.
Cette succession d’actions, qui parfois paraît petite, est nécessaire pour que les fondations de Strasbourg Team Academy soient solides.
Et nous en avons enchaîné des étapes : dialogue avec les banques, rencontre d’apprenants potentiels, recherche de nouveaux sociétaires, rencontre de parents, création et dépôt du dossier d’enregistrement du diplôme chez France Compétences mon amour, ateliers dans des lycées, rencontres d’amis de parents, visibilité dans des réseaux, transformation de nos premiers apprenants, dialogues entre nous, rencontres avec des gens qui connaissent des gens qui connaissent des apprenants potentiels, passage de l’audit Qualiopi mon ange, et surtout, rencontres avec des gens qui nous aiment et nous aident.
Bref, nous enchaînons les actions, notamment Olga et Pascal (merci, merci, merci !).
Même si je suis plutôt endurant, ma dynamique d’action est plutôt spontanée, et j’aime voir rapidement le résultat de mon action. Mes besoins financiers m’entraînent aussi à assurer des missions chez des clients pour maintenir un chiffre d’affaires suffisant.
Cette différence de rythme me conduit assez régulièrement à de la culpabilité et de la frustration.
Culpabilité de ne pas pouvoir faire plus que je ne le souhaiterais, et frustration de louper des moments clés de la dynamique du projet.
À chaque fois que je traverse une période d’inconfort, car aux prises avec cette culpabilité, je mesure la force du dialogue dans notre équipe, et surtout la force des principes sources qui guident notre coopération.
À l’heure où notre équipe passe de 4 à 7 personnes (bienvenue Cora, Valérie et Eva !), remettre de l’éclairage sur ces principes me paraît important, car pour moi c’est ce qui fait durer notre équipe dans le temps.
Je m’en rends compte aussi en voyant les équipes que j’accompagne et qui dysfonctionnent régulièrement dans leur manière d’être en relation.
1er principe : l’action avant la réflexion
Chez Mana Mana, notre credo est l’apprentissage par l’action, c’est en passant à l’action que je peux me frotter à la réalité et, par le dialogue en équipe, identifier les connaissances et compétences que j’ai besoin de développer.
Tant que nous n’avons pas essayé, nous restons dans l’abstraction et les hypothèses.
Dans son livre La pédagogie des opprimés, Paulo Freire, au chapitre III Le dialogue, essence de l’éducation comme pratique de la liberté, présente la parole comme l’outil qui permet de dialoguer, et identifie comme éléments constitutifs du dialogue l’action et la réflexion.
Pour moi, l’action a un effet vivifiant : c’est parce que je fais, que mon corps se met en mouvement, que je me sens exister.
Le dialogue réflexif en équipe vient ensuite me permettre de conscientiser et d’intégrer les nouvelles connaissances créées et à acquérir.
2e principe : le dialogue
Notre rituel est une session de trois heures chaque lundi matin, durant laquelle nous revenons sur l’action et menons des dialogues réflexifs.
Peter Senge (La Cinquième Discipline) parle du dialogue comme d’un processus qui permet de construire sur les idées des autres, à l’inverse du débat qui est une confrontation d’idées où chacun cherche à avoir raison.
Sans action, il ne peut y avoir de dialogue, et sans dialogue, il n’y a pas d’apprentissage.
Le dialogue est un processus qui facilite les échanges en groupe sur une question d’intérêt commun. Son essence est de faire émerger de nouvelles idées, de nouvelles perceptions, et de permettre une meilleure compréhension.
Le dialogue favorise la création d’un environnement de confiance, dans lequel nous pouvons questionner nos présomptions et nos jugements.
Souvent, il nous amène à aborder des sujets que l’on n’oserait pas évoquer autrement, dans un climat de respect et de compréhension qui favorise l’innovation et la créativité.
3e principe : la suspension du jugement
Rien qu’avec le titre, la barre est haute ! Et pourtant, c’est un des non-négociables pour une dynamique d’équipe durable.
Suspendre son jugement, c’est être vigilant.e à la petite voix intérieure qui juge l’autre avec des phrases du type : « elle est comme ci… », « c’est un vrai c… », tout ce qui n’est qu’interprétation de la personne, de moi-même ou de la situation.
Ce n’est souvent pas lors de la session de dialogue en équipe que les jugements apparaissent, mais après, quand je me retrouve avec une ou deux personnes plus proches.
C’est là qu’il peut arriver que je parle d’une autre personne de l’équipe. PAF, flagrant délit de jugement !
Si cette attitude est rassurante sur le moment, car elle crée une alliance de façade, elle endommage la dynamique d’équipe à un endroit clé : la confiance.
Alors dans la Team Mana Mana, lorsqu’on se surprend à parler d’une autre personne, on invite l’auteur.e à aller en parler directement avec la personne concernée.
À titre personnel, la question que je me pose est : « Ce que je suis en train de dire; est-ce que je l’ai déjà dit à la personne concernée ? ».
Et pour dépasser les jugements, nous revenons aux faits et exprimons l’impact que cela a eu sur nous.
4e principe : tout part de soi
Je peux me plaindre d’une situation, d’un manque, d’un comportement, etc., ou je peux aussi passer à l’action et incarner ce que j’aimerais voir advenir.
Ce principe est une invitation à exprimer mon leadership.
Pour moi, c’est aussi éviter de polluer le collectif avec mes « râleries ».
Le décès récent de mon père a été l’occasion de témoignages de proches sur des moments vécus avec lui ou des expressions entendues de sa part.
Une personne est venue me rapporter une parole de mon père qui incarne pour moi ce principe : « Je ne me plains pas, d’une part parce que ça ne sert à rien, et d’autre part parce que les gens ne t’écoutent pas. J’agis. »
Dans la Team Mana Mana, nous parlons aussi du leadership de l’évidence : c’est celui/celle qui voit le chemin et engage l’action.
Cela permet d’éviter la procrastination et d’alimenter la dynamique.
5e principe : l’avocat de l’ange
Nous avons l’habitude de l’avocat du diable : voir ce qui ne marche pas.
Utiliser l’avocat de l’ange, c’est voir le positif dans une situation ou imaginer ce qui ferait que ça marcherait.
Imaginons une page blanche avec un point noir au milieu.
L’avocat du diable focalisera l’attention sur le point noir, tandis que l’avocat de l’ange regardera le blanc.
Pour moi, il y a un effet entraînant à adopter la posture de l’avocat de l’ange, alors qu’user systématiquement de l’avocat du diable me plombe.
6e principe : parler avec respect, mais parler avec le cœur !
À de nombreuses occasions, j’ai pu constater à quel point une parole authentique avait un effet libérateur sur la parole des membres de l’équipe.
Lorsqu’une personne ose exprimer sa colère, sa tristesse, sa joie… les membres de l’équipe sont touchés, et le dialogue prend une forme plus profonde et plus dense.
C’est un marqueur de la qualité du dialogue et de la dynamique d’équipe.
Carl Rogers parle de la confiance nécessaire pour oser poser un sentiment (négatif ou positif) dans un groupe comme d’un élément favorisant la transformation individuelle.
Si cette confiance n’est pas présente, le dialogue reste en surface, et les transformations individuelles restent minimes.
Alors, quand Olga, après avoir partagé mon sentiment de culpabilité de ne pas faire assez, m’a rappelé que si elle avait quelque chose à me dire, elle me le dirait, je me suis senti en confiance.
Tout comme lorsque Pascal me reflète que je n’ai pas à chercher d’autorisation pour passer à l’action, ou quand Michal m’invite à observer nos jugements lorsque nous avons perdu de vue une équipe… mais cela est une autre histoire à venir…
Quand, dans notre dialogue pour faire émerger une vision avec notre équipe élargie, j’ai proposé de créer un rôle dans l’équipe garant de l’esprit Mana Mana, et que personne n’a saisi la perche, je me suis rappelé notre principe : TOUT PART DE SOI ;-)