Essai sur le livre «Antidote au culte de la performance» (Olivier Hamant)

Marcellin GRANDJEAN

· Essai,Article

Essai sur le livre «Antidote au culte de la performance» (Olivier Hamant)

Les idées clefs selon l’auteur

Le XXIième siècle sera fluctuant. La seule certitude que nous avons: c’est le maintien et l’amplification de l’incertitude.

Le contrôle, l’optimisation ou la performance nous enferment dans une voie étroite et fragile.

Nous sommes dans une société de l’optimisation généralisée.

Les concepts de croissance verte, développement durable, sobriété énergétique, management libéré ne remettent pas en cause la performance.

Toute performance soumise à une mesure tend à s’auto justifier jusqu’à aller contre son objet (exemple dans l’éducation ou l’objectif d’avoir les meilleures notes conduit à la triche, le bachotage les passe-droits…)

Optimiser fragilise.

La performance a comme moteur la compétition et la violence.

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Un autre paradigme est nécessaire: la Robustesse

La robustesse c’est maintenir le système stable malgré les fluctuations = ouvre le champ des possibles et nous relie au vivant.

La robustesse se construit d’abord sur l’hétérogénéité, la redondance, les aléas, les gâchis, la lenteur, l’incohérence.

La performance doit être au service de la robustesse.

Ce que ce livre évoque en moi

Voici un livre qui entre en résonance avec mon cheminement, tant il met des mots sur des ressentis, idées ou certaines expériences que j’ai faites ces dernières années.

Plus que de mettre des mots, il m’offre une structuration de ma pensée et me donne des éclairages et des clefs de compréhensions sur des stratégies possibles. Il me trouve à un moment où j’étais au prise avec des croyances comme: « à quoi bon! », « c’est mort! », « je ne peux rien face au rouleau compresseur de la désinformation et le dépassement des limites planétaires! ». Sa lecture me replace dans une perspective optimiste et confirme certains de mes choix de vie.

Pour Olivier Hamant, le constat est simple: le culte de la performance, basé sur la compétition, et la violence (la loi du plus fort), ne nous donne pas les clefs pour aborder un futur fluctuant.

Tout le propos de l’auteur se base sur ce postulat, issu de nombreux rapports scientifiques: le XXIème siècle sera fluctuant: la seule certitude que nous avons, est le maintien et l’amplification de l’incertitude.

Nous savons que nous passons du monde de la moyenne à celui de l’écart type. Les fluctuations vont être plus fortes et plus récurrentes avec le temps (les prévisions de 2100 était déjà effectives en 2021 en ce qui concerne le dôme de chaleur au Canada….).

La performance se caractérise par une optimisation généralisée pour être efficace (atteindre l’objectif) et efficiente (avec le moins de ressources possibles).

Notre société est basée sur le culte de la performance. Or, celle-ci nous effère dans une voie étroite et fragile pour aborder la période dans laquelle nous sommes.

Pour Olivier Hamant la performance induit aussi des effets rebond qui accélère la détérioration de nos conditions de vie.

Je retrouve là les propos d’Illich sur l’aliénation, Descolat sur la séparation de l’homme et du vivant, Rosa sur l’accélération et la résonance et Geneviève Pruvost sur la notion de quotidienneté et d’économie de la subsistance…

Quand je fais le lien avec Rosa, il me semble que l’enjeux clefs pour le siècle à venir est celui de la réapporpriation des compétences et des connaissances nécessaires à notre subsistance, ce que Geneviève Pruvost et certaines éco-féministe nomment l’économie de la subsistance. Nous avons délégué la majeure partie des compétences liées à notre propre subsistance (alimentation, numérique, gestion des déchets...) Qui sait réparer sa voiture ou son téléphone ? Produire sa propre alimentation?… Roland Gori parle de taylorisation de nos sociétés. Nous vivons en silo dans une sur-spécialisation où des pans entiers de notre subsistance nous sont invisibles.

Pour l’auteur, il nous faut donc réinventer et redéfinir un autre paradigme. Il propose le concept de Robustesse, issu de l’observation du monde vivant, qui offre une voix que je trouve, dans le propos, optimiste.

Pour lui la robustesse, c’est maintenir le système stable malgré les fluctuations, elle ouvre le champ des possibles et nous relie au vivant.

A l’image du roseau qui plie mais ne rompt pas.

Quant la performance conduit à l’accélération, l’efficacité, la maîtrise des incertitudes, la compétition et la destruction des ressources, la robustesse invite au ralentissement, l’incohérence, les aléas, la coopération, l’hétérogénéité et la redondance.

La proposition est d’inverser l’ordre des priorités: la performance au service de la robustesse et non l’inverse. Par moment, nous devons être performant, mais cela doit s’inscrire dans une optique de robustesse de notre société. C’est une question de survie. Ainsi je trouve l’image du vol d’étourneaux parlante. Ce sont les oiseaux à la marge qui influent sur le sens du collectif, car ils sont au contact avec le monde extérieur. Ceux au centre ne voient que des oiseaux autour d’eux, ils sont donc aveugles.

Il offre aussi un éclairage sur des concepts en vogue tels que le développement durable, la sobriété, l’adaptation qui peuvent se révéler contre productifs s’ils sont à des fins de performance. Il cite l’exemple des véhicules électriques plus sobres qui deviennent un non sens quand il s’agit de faire des SUV électriques de plus de 2 tonnes nécessitant des batteries lourdes et imposantes, et donc une quantité de métaux rares importante.

Le premier réflexe chez moi a été de focaliser sur la robustesse, comme l’enfant qui découvre un nouveau jouet, il ne voit plus que cela. Et puis un matin, lors d’une de nos sessions de dialogue chez Mana Mana, je présente ce projet d’article et Pascal me pose cette question: « il y a un point aveugle dans ton récit: quid de la performance chez toi? Car par moment tu es performant. »

Alors, les questions que ce petit livre soulève en moi: qu’est-ce qui est robuste dans mon action? Où est-ce que je dois être performant ? Où est-ce que j’ai envie d’agir ?

La réponse n’est pas évidente et en même temps je vois le chemin que j’emprunte qui amène à plus de robustesse: contribuer à un fablab, proposer un lieu en forêt pour réapprendre à vivre dehors, développer une école sur le modèle Team Academy basée sur la coopération, réapprendre des compétences manuelles (boulangerie, vannerie, sérigraphie, travail du bois…), intervenir dans le champ de la médiation et de la coopération.

Et puis les endroits où je dois être performant: trouver des clients et des missions pour assurer ma propre subsistance financière, dans l’exécution de certaines tâches administratives pour préserver mon temps…

Et puis je vois aussi, dans cet ouvrage, une proposition de points de repères pour définir un projet robuste dans un monde incertain. Cette réflexion m’anime dans le cadre de notre projet d’école post-bac avec Mana Mana, dans lequel nous souhaitons que les jeunes créent des projets à impact respectueux du vivant. Le point qui m’a le plus inspiré pour mener un projet est le fait de passer du temps à bien définir la question à se poser avant de commencer un projet.

Ainsi, j’ai créé cette infographie, qui est un prototype, pour questionner un projet ou une équipe.

Cet ouvrage m’a dynamisé et permis de voir le projet de robustesse comme créateur plutôt que réducteur et source de contraintes comme la sobriété peut l’induire…

Et vous que faites-vous sur la robustesse de vos équipes/organisations ?

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